Rioux Généalogie
Les Ancestors et Descendants de Jean Riou et Catherine Leblond
par Thomas Wayne "Tom" Rioux, Ph.D., Austin, Travis, Texas, États-Unis
Dédié au travail et à la mémoire de François Beaulieu

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Jean Riou Histoire Ancienne

Ce qui suit provient de «Dictionnaire Généalogique Familles Riou-x, Descendance de Jean Riou et Catherine Leblond, 1678-2001, Tome 1 AI et Tome 2 JZ», © AFRA-SHGTP, CP 208, Trois-Pistoles, Québec, Canada, G0L 4K0, juin 2001, ISBN 2-922756-07-6, pages ix-xxii.

Sur les traces de l'ancêtre Jean Riou

        Beaucoup d'efforts ont été déployés par les descendants de Jean Riou et de Catherine Leblond afin de trouver l'acte de baptême du premier seigneur sédentaire de Trois-Pistoles.

        Grâce aux contacts entretenus avec Hervé Riou (un descendant de Breton, habitant alors Limay, dans la banlieue de Paris), par J.-F. Beaulieu, Élisée Rioux, Norbert Rioux et Emmanuel Rioux et par la SHGTP et l'AFRA, l'on obtint des résultats probants.  En effet, en novembre 1986, Hervé Riou nous adressait la copie du fameux acte de baptême de l'ancêtre, resté jusque-là introuvable.  C'est en cherchant par la lignée maternelle des Guéguen, ainsi que le lui avait suggéré J.-François Beaulieu, que cette découverte a pu heureusement se concrétiser.

        Le voici done cet acte de baptême de Jean Riou, en date du 20 mars 1652, tel qu'on peut le lire dans les registres de l'Ėtat civil de Ploujean (commune maintenant annexée a Morlaix, ville du Finistére comptant quelque 20 000 habitants), et que notre correspondant photocopia pour l'adresser à l'AFRA le 23 novembre 1986.  Il nous arrivait juste â temps pour l'historique rassemblement des 2000 Rioux du 14 au 16 août 1987 à Trois-Pistoles.       

Aupril 1652 ...ochiou
Jan fils légitime de Jan Roc’hiou et de Marguerite Guéguen a esté baptisé par Mre Claude Guéguen prêtre ce jour vingtième de mars 1652, Jan Prigent était le parrain et Janne Bernont la marraine
Aupril 1652    S con Recteur
(Mre est l'abréviation de Messire qui est un titre donné aux prêtres et traduit à Mon Seigneur)April 1652 ...ochiou

Jan the legitimate son of Jan Roc’hiou and Marguerite Guéguen was baptized by My Lord Claude Guéguen priest this day the twentieth of March 1652, Jean Prigent was the godfather and Janne Bernont the godmother
April 1652    S con Rector
(Mre is the abbreviation for Messire which is a title given to priests and translates to My Lord)

Église Catholique Notre Dame de Ploujean record du Baptême de Jean Riou
Jean Roc’hiou/Riou Baptême

        Une première question se pose sur l'identité de ce «Messire Claude Guéguen», présidant à la cérémonie du baptême?  Sans doute est-il un frère ou un cousin de la mère.

        La deuxième question, la plus importante, porte sur le patronyme de notre ancêtre.  Laissons Hervé Riou s'expliquer là-dessus:

        «Cette transformation de Roc’hiou en Riou (...) n'est pas due à une erreur du curé de Ploujean (...) cette erreur doit s'expliquer au niveau du Québec.  Jean Roc’hiou ne savait ni lire ni écrire et, quand en 1678 il se marie à Sainte-Famille, le notaire qui établit le contrat de mariage et le curé qui établit l'acte de mariage ne peuvent que transcrire le patronyme Roc’hiou tel qu'ils l'entendent phonétiquement (...) Le mot roc'hiou signifie en breton du Trégor rochers et s'écrit roc'hiou.  Les consonnes c'h se prononcent en breton comme un h dur.  Ainsi le rocher qui s'écrit en breton ar roc'h se prononce comme le mot allemand rohr, ce qui équivaut dans la prononciation franrçise à rorr.  De même, les rochers qui s'écrit en breton ar roc'hiou se prononce rorriou.  Il se peut que le curé et le notaire n'aient entendu que la fin 'Riou ou alors qu'its aient fait le rapprochement avec le patronyme Riou, beaucoup plus courant en Bretagne.»1

L'ancêtre de l'immense majorité des Rioux d'Amérique

        Dans le 2e tome de Nos Ancêtres, le P. Gérard Lebel signale la présence au Québec d'un dénommé Jean Rioult, originaire de la Normandie.  Fils de Pierre Rioult, de la ville de Rouen, à l'âge d'environ 17 ans, il s'engagea en 1669 pour huit ans au service de Jean Routhier, de la paroisse de Sillery, Il n' a laissé aucune trace par la suite2.  Reste donc notre Jean Riou, l'ancêtre de la presque totalité des Rioux nord-américains.  Il se marie le 10 janvier 1678, à Sainte-Famille de Île d'Orléans, avec Catherine Leblond.

        Lisons leur acte de mariage, tel que l'a rédigé le curé Charles-Amador Martin (1648-1711: fils d'Abraham, pilote du Roi et propriétaire des Plaines d'Abraham):

L'an de grace mil six cent soixante et dix huict le dixieme jour de janvier après les fiancailles et la publication des trois bans de mariage faicte les vingt unieme vint sixieme et vingthuitieme jours de decembre aux messes paroissiales de l'Eglise de la Ste Famille en l'Isle St. Laurent, d'entre Jean Riou fils de Jean Riou et de Marguerite Guinguen ses pere et mere de la paroisse de Ploujas Evesché de Treguier en Bretagne d'une part, et Catherine le Blond fille de feu Nicolas le Blond, et de Marguerite le Cler, ses pere et mere de la paroisse de la Ste Famille, Evesché de Québec d'autre part.  Et ne s'estant trouve aucun empeschement légitime, je soussigné prestre missionnaire les ay dans la ditte Eglise solennellement interroges, et apres avoir receu leur mutuel consentement leur ay donne la bénédiction nuptiale en presence des tesmoins connus Vincent Chrestien, Maturin Gerber, David Asselin et Bernard Laine.

Ch. A. Martin ptre3

C'est comme engagé au service de sa belle-mère que Jean Riou s'installe à la ferme de celle-ci, ainsi que l'a bien démontré Jacques Morissette, dans une étude fouillée et fort bien documentée, publiée au début d'Histoire de Trois-Pistoles 1697-19974.  Reportons-nous au contrat de mariage, passé sous seing privé (déposé le 7 mars 1678 au greffe Aubert), le 26 decembre 1677, fixant les conditions d'engagement de Jean Riou envers sa belle-mére, devenue veuve de Nicolas Leblond en septembre 1677.

L'an mil six cent soixante et dix-sept ce 26 décembre, Jean Riout âgé de vingt et un ans ou environ, natif de Bretagne, Ploujean, évêché de Lantriguet, fils de Jean Riout, laboureur, et de Marguerite Guéguen, sa mére, présent habitant de l'Isle St Laurent, promet et s'oblige (par) promesse de mariage à Catherine Leblond, fille de défunt Nicolas Leblond et de Marguerite Leclerc, sa mère, que le dit Riout s'oblige de servir sur sa terre et habitation en toute chose raisonnable comme père de famille, pour entretenir le ménage et la dite terre, comme ils sont convenus, en toute chose, et ses enfants s'il y en a, leur fournir des hardes et autres choses nécessaires pendant les dits quatre ans, de lui donner une habitation, d'une valeur de trois cents livres par l'estimation qui en sera faite d'une part et d'autre, de lui donner deux boeufs âgés de trois ans chacun, deux vaches portant, et s'oblige de donner à sa fille un habit de mariage, outre son entretien et la vêtir de pied en cap.  Plus pour le ménage une marmite, une grande chaudière et une moyenne; plus des couvertures; plus une charrue et ustensiles pour le travail de la terre.  La dite veuve s'oblige de leur donner la dite habitation, semée et garnie de grain tout fait, et conclu en présence des parents et amis du côté de la fille qui est Vincent Chrétien, son oncle du côté de la mère; Anne Leclaire, sa tante et David Hasselin, ami.  Le dit Riout a deux amis Mathurin Gerbay et Jacques Beaudoin.  Charles-François Moreau, commis de Mr Berthelot, ami d'une part et d'autre, le dit Vincent ne savoir signer et la dite Anne Laclaire aussi, X et le dit Gerbay, X Jean Riout et son épouse, X.

Moreau

«Dans ce contrat, écrit le chanoine Léo Bérubé, qui paraît être écrit de la main d'un notaire improvisé, du moins sans instruction, un certain Moreau, Jean Riou s'engageait á demeurer pour une période de quatre ans chez sa belle-mére, avec sa femme, afin de cultiver sa terre et d'entretenir son ménage, tout comme s'il était le chef de famille.  En retour, la veuve Leblond promettait de nourrir son gendre, ainsi que sa femme et les enfants qui pourraient leur naître.  Elle s'engageait aussi à fournir au jeune ménage, á l'expiration des quatre années, une habitation d'une valeur de 300 livres, semée et garnie de grain, deux boeufs de trois ans, deux vaches laitiéres, une marrnite de cuisine, une grande et une moyenne chaudiéres, deux bonnes couvertures , une charrue et d'autres instruments et outils pour la culture.  La veuve promettait encore d'habiller sa fille pour son mariage, de l'entretenir de linge et de lui monter une garde-robe à son départ après quatre ans.»5.  Ajoutons que Jean Riou a déjà plus de 25 ans, et non «21 ou environ», et que Catherine n'a que 13 ans, étant née le 4 et baptisée le 12 octobre 1664 à Château-Richer.  Elle est la fille de Madeleine Leclerc, née à Dieppe le 12 février 1640, et de Nicolas Leblond, originaire de Honfleur en Normandie, évêché de Lisieux, né vers 1637, fils de Jacques et de Françoise de Nollen.  Leur mariage eut lieu à Château-Richer le 13 octobre 1661 (contrat de mariage du 11 septembre 1661, greffe Aubert)6.  Nicolas Leblond décéda à l'Hôtel-Dieu de Québec en septembre 1677, laissant ainsi veuve une jeune mére de sept enfants.

Bref aperçu des vingt ans du couple Riou à Île d'Orléans

Résumons à grands traits le séjour de vingt ans (1677-1697) de Jean Riou à Île d'Orléans.  Ce qui s'annornçait comme une simple vie de fermier de cette époque, sans histoire, va être légèrement perturbé par des événements tout à fait imprévus qui le conduiront jusqu'à la seigneurie de Trois-Pistoles.
-- D'abord, sa belle-mère décide de se remarier le 8 septembre 1678 avec Jean Rabouin, un jeune veuf, déjà père de huit enfants, et qui lui en fera trois autres.  Il va sans dire que le gendre et la fille se voient ainsi forcés de quitter le domicile familial, ce qui amène les intéressés à réviser le contrat du 26 décembre précédent.  Le 23 février 1679, Jean Riou se porte acquéreur de la terre de Pierre Buteau et Perrette Loriot, portant le no 5, partie nord de Saint-François­de-Sales, de Île d'Orléans.  Il l'avait d'abord louée du même propriétaire en signant un bail de location le 28 février 1678.  Il a ainsi comme voisins son oncle Vincent Chrétien (marié à Anne Leclerc, soeur de sa belle-mére), Nicolas Veilleux et Louis Martineau.
-- Le 2 août 1679, il hypothèque sa terre par un emprunt de 59 livres 10 sols à Jean Baillé, somme qu'il s'engage à remettre dans les trois ans.
-- Le 21 octobre, Jean Riou reconnaît avoir reçu la somme de 60 livres, que le seigneur François Berthelot donne aux habitants qui se marient et s'établissent à Île d'Orléans.
-- D'après le recensement de 1681, Jean Riou déclare avoir 15 arpents de terre en culture.
-- Le 3 octobre 1684, Jean Riou devient copropriétaire, avec Sébastien Cotleau, d'une barque dite La Sainte-Anne, avec «ancres, voiles cables et autres manceuvres»7.  La transaction s'élève à 125 livres.  Ce genre de barque servait tant à la pêche et au cabotage qu'au transport des passagers.
-- Le 7 octobre 1686, Jean Riou loue pour cinq ans une ferme de René Baucher à partir du 1er avril suivant, ferme située sur le côté nord de l'île, de huit arpents de front, «avec de bonnes prairies mais sans bâtiment»8.
-- Le 25 juillet 1688, chez le notaire Vachon, Jean Riou reçoit en concession du seigneur Berthelot une nouvelle terre située un peu à l'ouest de celle de Saint-Franiçois.
-- En janvier 1692, Jean Riou est hospitalisé pendant 22 jours à l'Hôtel-Dieu de Québec.

Le couple seigneurial des Riou a Trois-Pistoles (1696-1709)

        Le 15 mars 1696, en l'étude du notaire Chambalon à Québec, en échange de la seigneurie de Trois-Pistoles concédée à Charles Denys de Vitré le 6 janvier 1687, Jean Riou cède une ferme de belle valeur.  Elle comprenait un corps de logis de madriers embouvetés de 36 pi. de long, une grange et une étable de 54 pi., deux boeufs de quatre ans, deux vaches du même âge, deux jeunes cochons, six poules et un coq.  Mais Jean Riou se réservait le droit de vivre sur sa ferme jusqu'en avril 1697, moyennant un paiement de 40 minots de blé froment.  Denys de Vitré s'engageait à fournir à Jean Riou une chaloupe biscaïenne avec ses agrès, cables, voiles et grappins, «prête à faire voile pour aller audit lieu de la rivière des Trois-Pistoles».  Le 10 avril 1697, dans l'acte de foi et hommage rendu au Château Saint-Louis pour le fief et seigneurie de la rivière des Trois­ Pistoles, Jean Riou est dit «habitant demeurant en l'île Saint-Laurent, paroisse Saint-François»9.

        Voici done cet «acte fondateur» de Trois-Pistoles, et dont nous avons modernisé l'orthographe pour en faciliter la lecture:

Acte d'échange entre Denys de Vitré et Jean Riou 15 mars 1696

        Par devant le notaire royal, en la prévôté de Québec, les soussignés, résidants, et témoins ci-bas nommés, furent présents: Mon Sieur Charles Denys de Vitré conseiller au Conseil souverain de ce pays, demeurant en son hôtel en la haute ville, d'une part, et Jean Riou, a resident living on the island of Saint-Laurent in the parish of Saint-François, who in his name and that of the absent Catherine Leblond, and about whom he is confident will consent and ratify this document without delay, and will conjointly and in full agreement, under all required waivers, authorize him to guarantee, as of now, all the following items given in exchange and hereby set forth.

        The concerned parties willingly and voluntarily, have and are making the following reciprocal exchanges, cessions, and transfers with respective promises of seigneurial guarantees against all trouble, mortgages, or any other sort of restriction on the part of one or the other.  First, the said Sr de Vitré has relinquished , ceded, transferred and exchanged to the said Riou, who accepts for himself, his offspring and any future entitled beneficiaries, the land grant and seigneury, available following the concession by Mr. de Villeray, also a member of this country's Sovereign Council.  The said land and seigneury is located on the south shore of the Saint Lawrence River, has a facade of two leagues which includes the Trois-Pistoles river as well as the islands found within the two league length of the said concession, and reaches inland for two leagues, including île aux Basques, if it is found within the said boundaries.  Included are the land and seigneury rights, the right to dispense justice, hunting rights, trade with savages and other future rights as were accorded to said Sr de Vitré on January 6, 1689 through a titled land deed which had been given him by Mr. Le Marquis de Denonville, this country's governor and lieutenant general for the King, and by Monseigneur de Champigny, administrator.  The title deed, with the King's warrant of confirmation, dated January 1, 1688 at Versailles, was received by this country's Sovereign Council February 28, 1689.  The said Sr de Vitré has just put it in the possession of the said Riou, who received and accepted it in order to enjoy the said land grant, seigneury and law and other rights it encompasses, and Riou, habitant et demeurant en l'île Saint­Laurent paroisse de Saint-François , tant en son nom qu'à celui de Catherine Leblond, absente, et pour elle, de laquelle il se fait fort et promet de lui faire agréer et ratifier les présentes incessamment, et de la faire conjointement et solidairement avec lui obliger, sous toutes les renonciations requises, pour la garantie des choses ci-après données en l'échange qui l'autorise à cet effet dés à présent.

        D'autre part, les parties de leur bon gré et volonté ont fait et font les échanges, cessions, permutations et transport réciproques qui suivent, avec promesse de «gariment» respectif de tout trouble, hypothèques et tous autres empêchements de part et d'autre.

        Premièrement ledit Sr De Vitré a donné, délaissé, cédé, transporté et échangé audit Riou, qui l'accepte pour lui et ses héritiers et ayants cause à l'avenir, une terre en fief et seigneurie, de deux lieues de front, située sur le fleuve Saint-Laurent du côté du sud, à prendre depuis la concession de M. de Villeray, également conseiller au Conseil souverain de ce pays, en descendant ledit fleuve Saint-Laurent, la rivière des Trois-Pistoles comprise, ainsi que les îles qui se trouvent dans les lieux de la dite concession, sur deux lieues de profondeur dans les terres, y compris l'île aux Basques si elle se trouve enclose dans ladite terrre, avec le droit de fief et seigneurie, de justice, avec le droit de chasse et de traite avec les Sauvages et autres droits à venir, ainsi qu'ils ont été accordés audit Sr de Vitré, par le titre de concession, qui lui en a été fait par M. le Marquis de Denonville, ci-devant gouverneur et lieutenant général pour le Roi en ce pays, et par Monseigneur de Champigny, intendant, en date du 6 janvier 1687.  Ce titre de concession, avec le brevet de confirmation du Roi daté à Versailles du premier janvier 1688, fut reçu au Conseil souverain de ce pays le 28 février 1689.  Ledit Sr de Vitré l'a justement mis entre les mains dudit Riou, qui l'a pris et reçu pour jouir de ladite terre en fief, seigneurie et justice et des autres droits qui s'y rattachent, pour qu'il en dispose avec ses héritiers et les ayants cause, à commencer au mois d'avril prochain en lieu et place du Sr de Vitré, en toute propriété à perpétuité, avec la charge de foi et hornrnage, attachée au titre de cette concession.

        En contre-échange de quoi, ledit Riou a pareillement cédé, quitté, délaissé et transporté audit Sr de Vitré, qui l'accepte aussi pour lui, ses héritiers et ayants cause à l'avenir, une terre et habitation sise en ladite île Saint-Laurent en la paroisse de Saint-François, en la seigneurie Dargentenay.  Elle contient trois arpents de front sur le fleuve Saint-Laurent, sur toute la profondeur qu'elle peut avoir jusqu'au milieu de ladite île, joignant, d'un côté, l'habitation de Vincent Chrétien et, de l'autre, une habitation appartenant audit Riou par le devant dudit fleuve, et par le derrière la ligne ou route qui en terminera la profondeur, ainsi qu'elle se poursuit et qui comprend le corps de logis de trente­six pieds de long, de madriers embouvetés, avec son bas-côté, une grange et une étable qui se joignent, d'environ cinquante-quatre pieds de long et toutes leurs circonstances et dépendances, sans en rien réserver ni retenir.  Et outre cela, deux jeunes boeufs de quatre ans, deux vaches de pareil âge, deux cochons de l'année, six poules et un coq, lesquels boeufs, vaches, cochons, coq et poules ledit Riou promet de donner et livrer audit Sr de Vitré du mois d'avril prochain en un an, lesdites terre et habitation appartenant actuellement audit Riou.  Et ladite ferme lui appartient par acquisition qu'il en a faite de Pierre Buteau et Perrette Loriot sa femme, par contrat au greffe de Paul Vachon, notaire, en date du vingt février mil six cent soixante dix-neuf.  Ce contrat avec les autres titres et papiers concernant la propriété de ladite terre, le dit Riou l'a aussi mis entre les mains du Sr de Vitré, à la réserve du titre originel que ledit Riou a déclaré n'avoir jamais eu entre ses mains, ladite habitation étant en la censive de ladite seigneurie Dargentenay.  Avec icelle, s'ajoute la charge de trois livres et deux chapons vivants, à titre de rente seigneuriale plus un sol de cens, néanmoins franche et quitte des arrérages desdits cens et rentes et de toutes autres dettes et hypothèques de tout le passé jusqu'à ce jour.  Lesdits cens et rentes vont jusqu'aux termes prochains de la présente année.  Ledit Sr de Vitré, ses héritiers et ayants cause, pourront jouir et disposer de ladite terre et des dépendances, avec boeufs, vaches, cochons, coq et poules, à partir dudit mois d'avril prochain également en toute propriété à perpétuité en vertu des présentes.

        Ces échanges, permutations, cessions, transport réciproques, sont faits aux charges, clauses et conditions suivantes: savoir que ledit Riou demeurera et habitera sur ladite terre et habitation par lui données en échange audit Sr de Vitré, depuis ledit mois d'avril prochain jusqu'à pareil temps de l'année prochaine, en qualité de fermier, à la charge pour lui de faire valoir et entretenir ladite terre, bâtiments et dèpendances, en bon état, moyennant quoi ce Riou sera tenu de payer au Sr de Vitré, pour tout droit de ferme pour ladite année, le nombre de quarante minots de blé froment, et la somme de vingt livres pour le layer desdites deux vaches de ladite année.  Au terme de ladite année, il est convenu que le Sr de Vitré approuvera et agréera, si bon lui semble, le bail à ferme sous seing privé qu'il a fait à Nicolas Vérieu (Veilleux) de ladite terre pour cinq années, à commencer audit mois d'avril prochain en un an.  Si le Sr de Vitré préfère casser ledit bail ou convention, en ce cas ledit Sr de Vitré et ledit Riou seront obligés de payer, moitié moitié, la somme de vingt livres que ledit Riou s'est obligé de lui payer pout tout dédommagement s'il voulait par la suite révoquer ledit bail ou convention.  Ledit Riou sera également tenu de laisser audit Sr de Vitré des fourrages suffisamment pour nourrir lesdit bestiaux, depuis ledit mois d'avril de l'année prochaine, jusqu'à ce que les herbes soient poussées et ce qui conviendra pour les boeufs jusqu'à ce que les semences soient faites.

        Ledit Riou entretiendra le bail que le Sr de Vitré a; et avec le Sr Riverin aux droits duquel le Sr Riverin est le Sr Charles Aubert de la Chesnaye a la charge que ce Riou prendra et percevra la rente de cent livres que ledit Sr de la Chesnaye en paie par chacun au Sr de Vitré en lieu et place dudit Sr de Vitré.  Cette rente commencera également à courir pour son profit audit mois d'avril prochain.

        Au moyen de quoi, ledit Sr de Vitré promet de fournir, par forme de retour, audit Riou une chaloupe biscayenne, toute gréée de cables, voiles et grappin, prête à faire voile pour aller audit lieu de la rivière des Trois­Pistoles.  Cette chaloupe demeurera en propre audit Riou; le Sr de Vitré promet de la lui livrer au plus tard dans le mois de juin prochain.  Il promet encore, au retour de la pêche qu'il ira faire l'été prochain, de donner audit Riou trois de ses filets, tels qu'ils seront, avec trois lignes garnies.

        En foi de quoi, les dites parties s'entendent, cèdent et transportent respectivement avec promesse de garantie, ainsi qu'il est dit en tout droit.  Ils s'entendent, etc., et consentent, etc.  Et à cet effet ils ont constitué leur présence.  Leporteur, etc.  Ils promettent, etc., car ainsi, etc., ont obligé, etc.  Renoncent, etc.

        Fait et passé audit Québec, en l'étude dudit notaire avant midi le quinziéme jour de mars seize cent quatre-vingt-seize, en présence des Srs René Lepage, Sr de Saint-Clair, demeurant en ladite île de Saint-Laurent, paroisse de Saint-François, et de Jacques Barbel, témoin, demeurant audit Québec, qui ont, avec Mon Sieur de Vitré et le notaire, signé:

C. DENYS DE VITRÉ
LEPAGE BARBEL CHAMBALON

        On notera la présence, comme témoin à cet acte d'échange, de René Lepage, dont la famille était déjà dans le voisinage du couple Riou dès 1678 à Saint-François.  C'est à René Lepage qu'était concédée la seigneurie de Sainte-Claire en 1694; il s'installera à Rimouski deux ans plus tard.  Son fils Paul épousera, à Trois-Pistoles le 15 novembre 1734, la petite­fille de Jean Riou, Catherine, fille de Nicolas, qui sera la première à figurer en tête du registre de Trois-Pistoles.10  Un autre Lepage, Pierre, fils de Pierre, épousera à Trois-Pistoles Véronique, une autre fille de Nicolas, le 14 juillet 1749.

        Par ailleurs, bien malin qui prétendrait nous renseigner sur la vie de Jean Riou à Trois­Pistoles.  Comme l'observe pertinemment le chanoine Bérubé, aucun document écrit n'a été conservé de la première décennie de la vie du couple Riou sur sa seigneurie, le registre de Trois-Pistoles ne commençant qu'en 1713.  «La tradition veut qu'il ait vécu de pêche plus que d'agriculture pendant plusieurs années et qu'il ait nourri ses animaux assez longtemps avec du foin de grève.  Il devait sans doute récolter quelques grains pour ses animaux, ainsi que du blé qu'il allait d'abord faire moudre ailleurs, de l'orge qu'il pouvait piler pour la soupe, des palates et autres légumes de toutes sortes.  Avec le temps, il a amélioré son installation en renouvelant ses bâtisses; il a même construit une petite chapelle à proximité de sa demeure, vers 1701». 11

        Dans les Ordonnances des Intendants de la Nouvelle-France, en date du 30 août 1709, l'intendant Raudot permet à Nicolas, l'aîné, de «continuer l'habitation commencée».12  Ce qui laisse supposer que le décès de Jean Riou a dû survenir peu auparavant.  Lors du mariage de Nicolas avec Louise Asselin, le 13 août 1710 à Sainte-Famille de Île d'Orléans, celui-ci est dit le fils de feu Jean Riou et de Catherine Leblond.

        Quant à l'épouse de Jean Riou, elle lui survécut de quelque quarante années.  Son acte de sépulture est consigné dans le registre paroissial dans les termes suivants:

L'an mil sept (cent) cinquante-trois, le premier du mois de décembre est décédée Catherine Leblond, femme de feu Jean Riou, propriétaire et seigneuresse des Trois-Pistoles, paroisse de Notre-Dame-des-Anges, âgée de 87 ans, après avoir été confessée, reçu le St-Viatique et l'extrême­onction.  Son corps a été inhume dans l'église de Trois-Pistoles le lendemain du jour de son décès en la même année mil sept cent cinquante­trois.  En Joy de quoi j'ay signé le jour et an que dessus, frère Ambroise, récollet, prêtre, faisant les fonctions curialles dans la paroisse de trois­pistolles.13

Une tache colossale: ecrire l'histoire des seigneuries Rioux

        Une immense tâche attend nos cher­cheurs de la SHGTP et de l'AFRA, qui consistera à écrire l'histoire des seigneuries Rioux.  Elle fera l'objet d'une publication majeure, tout aussi importante que notre livre d'histoire de Trois-Pistoles de 1997 et que notre présent dictionnaire des Rioux.

        Signalons seulement que, dès le 31 mars 1712, Nicolas achètera, pour une somme de 50 livres, du sieur de la Minotière, une seigneurie d'une lieue de largeur, comprise entre l'église actuelle et les limites de Saint-Simon, et de deux lieues de profondeur, englobant une partie de Sainte-Françoise.14  Cette seigneurie sera donnée par la suite à son frère Vincent, dont le mariage avec Catherine Côté eut lieu à Rimouski le 20 août 1731.  Le 6 avril 1751, Nicolas deviendra possesseur de l'immense seigneurie dite Nicolas-Rioux, de six lieues de largeur sur quatre de profondeur, renfermant dans ses limites les paroisses de Saint-Simon, Saint­Mathieu, Saint-Fabien et Saint-Eugène-de­Ladrière.15

        Voilà, trap schémaquement rappelées, il va sans dire, les données concemant les premières années de notre ancêtre Jean Riou devenu premier seigneur habitant de Trois-Pistoles, père d'une nombreuse descendance, bien implantée dans notre milieu québécois, canadien et même nord-américain.  Signalons enfin que taus les Rioux sans exception, issus de Jean, écrivaient leur nom avec un X, dès le milieu du 18e siècle et tout au cours du 19e siècle,16 coutume qu'a gardée depuis límmense majorité des Rioux.  Quoi qu'il en soit, taus restent de fiers descendants de notre unique père d'une nombreuse famille, Jean Roc'hiou.

Emmanuel Rioux

Notes

  1. Rassemblement des families Riou-x d'Amérique, Trois-Pistoles, 14-15-16 août 1987, Brochure de l'AFRA, Trois-Pistoles, 1987, p. 14-15.

  2. Gérard Lebel, C.Ss.R., Nos Ancêtres, tome 2, Sainte-Anne-de-Beaupré, 1981, p. 151.

  3. Ibid. , p. 151-152.

  4. Jacques Morissette, «Jean Riou et Catherine Leblond à Iîle d'Orléans (1677-1697)» in Histoire de Trois-Pistoles 1697-1997, Trois-Pistoles, Centre d'édition des Basques, 1997, p. 53.

  5. Léo Bérubé, «Riou ou Rioux», L'Écho des Basques, vol. 21, 1999, p. 22.

  6. Archange Godbout, Origine des families canadiennes-françaises, Montréal, éd. Élysée, 1979, p. 97.

  7. Gérard Lebel, op. cit., p. 153.

  8. Ibid., p. 154.

  9. Léo Bérubé, loc. cit., p. 24; Gérard Lebel, op. cit., p. 155.

  10. J.-F. Beaulieu, «The Trois-Pistoles Registry», in Histoire de Trois-Pistoles 1697-1997, p. 104.  Notons que le mariage de Paul Lepage et Catherine Riou eut bien lieu en 1734, et non en 1735, comme l'a bien démontré Rino Bélanger dans son article intitulé «Problèmes généalogiques provenant du registre de Trois-Pistoles» , paru dans L'Écho des Basques, no 22, 2000, p. 31-32.

  11. Léo Bérubé, loc. cit., p. 24-25.

  12. Ibid. , p. 26.

  13. Étant née le 4 octobre 1664, elle avait en fait 89 ans, au lieu de 87.  Voir J.-F. Beaulieu, op. cit., p. 110.

  14. René Jetté, Dictionnaire généalogique des families du Québec, Montréal, Presses de l'Université de Montréal, 1983, p. 986.

  15. Léo Bérubé, loc. cit., p. 26.

  16. Telle est l'observation du chanoine Bérubé et dont nous avons pu vérifier l'authenticité en recourant à un grand nombre de manuscrits que nous avons relevés tout au cours de ces 150 ans, relatifs à notre histoire paroissiale, éducationnelle, etc.  Voir l'article paru dans L'Écho des Basques no. 21, 1999, p. 22.  On se reportera également à notre article publié dans le numéro 22, 2000, note 2, p. 42.